24 octobre 2018

Evitons le dévoiement de MIF2

Carte blanche à Benoist Lombard, Président de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP), associé gérant Witam Multi Family Office

 

« Evitons le dévoiement de MIF II »

 

C’était à prévoir, certains établissements n’ont pas manqué le coche. Ils ont trouvé dans l’entrée en vigueur de la directive MIF II l’opportunité d’interdire le commissionnement sur les frais de gestion des mandats souscrits au sein de comptes-titres. De leur côté, le calcul est vite fait. Puisqu’ils prennent à leur charge les opérations relatives à ces mandats, ils estiment ne plus être en mesure de justifier la rémunération du conseil en gestion de patrimoine (CGP). Pourtant, c’est bien sur la base de la préconisation de leur conseiller que ce client a confié un mandat de gestion à cette société. Pour appuyer son raisonnement, celle-ci fait valoir qu’elle assume toutes les règles MIF II, et cela de l’entrée en relation, au suivi et au contrôle des mandats. Sur cette base, ce fournisseur annonce qu’il n’est pas en mesure de démontrer au régulateur, qui en demanderait la preuve, qu’une rémunération basée sur les frais de gestion du mandat améliorerait la qualité du service rendu au client pendant toute la durée du mandat. Et on suit d’autant mieux le raisonnement qu’in fine, c’est ce même établissement qui conserve la main sur ces rémunérations.

Fort heureusement, cette position restrictive n’est partagée que par de rares partenaires commerciaux. Et pour cause, la directive MIF II maintient le principe du commissionnement dès lors qu’il est de nature à rémunérer un service à valeur ajoutée. Autrement dit, le CGP, en sa qualité de CIF, est en mesure d’être rétribué sur cette base dès lors qu’elle lui permet de se consacrer pleinement à son rôle de conseil et d’analyste, et d’orienter le mieux son client vers les différents services financiers, en lui prodiguant des avis qu’il n’aurait pas en l’absence de CIF. En cela, cette rémunération participe à l’amélioration du service client.

En quoi l’intervention du conseiller dans cette hypothèse est-elle singulière ? D’abord parce qu’il porte la responsabilité vis-à-vis de son client – celui qu’il a mis en relation avec un partenaire bancaire ou une société de gestion – de vérifier de manière régulière l’adéquation du produit ou des services souscrits auprès du prestataire. Autrement dit, la signature d’un mandat de gestion par un client d’un CGP ne remet pas en cause la relation continue qu’un CGP peut et doit avoir avec son client et au titre de laquelle, il mérite rémunération. Doit-on rappeler qu’un mandat de gestion est susceptible d’être résilié à tout moment ? Ou qu’il est susceptible d’être transféré en raison de la faiblesse des résultats obtenus ? D’ailleurs, un tel mandat n’a pas vocation à porter sur l’intégralité du patrimoine financier d’un client. Et une allocation optimisée doit nécessairement comporter d’autres actifs financiers ou immobiliers. Parce qu’il représente un élément au service d’une allocation financière globale, il est important de reconnaître que le service client est privilégié, c’est-à-dire « amélioré » selon la terminologie européenne.

Autre travail de recherche à valeur ajoutée, il revient au CGP d’analyser la pertinence des décisions d’investissement de cette société par rapport au profil qui a été déterminé et d’en assurer le « reporting ». Par exemple, celui-ci peut très bien proposer à son client la remise de rapports périodiques. Il peut tout aussi bien proposer une méthode d’évaluation indépendante du travail entrepris par la société de gestion sur le mandat.    

Dès lors, la pratique visant à effacer des conventions 2018 le barème de commissionnement sur les mandats de gestion souscrits au sein de comptes-titres est inappropriée. Bien au contraire, c’est le principe de rémunération dans la durée qui prévaut en contrepartie d’une justification par un service dans la durée.

 

Tribune publiée dans Gestion de Fortune